Rachel Vanier est l’auteure du roman Ecosystème que j’ai embarqué avec moi en vacances. Le roman, pas l’auteure. Sinon, il y aurait eu un “E” à la fin d’embarqué.
Me serais-je permis cette vanne si l’auteur avait eu un pénis ? Probablement, parce que c’est mon blog, que je retrouve avec amour après un piratage intense. Est-ce une blague machiste ? Est-ce si compliqué d’être une femme dans le business quand on a affaire à des hommes lourds voire condescendants ?
Mesdames messieurs, veuillez acclamer et lire Rachel Vanier qui a accepté de se prêter au jeu de l’interview pour la sortie de son roman sur les start-ups, Ecosystème !
SN : « Bonjour Rachel Vanier, pourquoi avoir choisi ce titre, écosystème ? Et si c’était lui, le héros de l’ouvrage ?
“Ecosystème” c’est un clin d’oeil au jargon des entrepreneurs, dans lequel on utilise souvent ce terme – pourtant biologique, à l’origine (pourquoi les startupers se le sont-ils réapproprié : mystère). Je savais que tout ceux qui bossent dans… l’écosystème se reconnaîtraient !
Tu as raison, l’écosystème start-up est un peu le troisième personnage du roman, en plus de Marianne et Lucas, qui co-fondent une boîte. On suit d’une part leur parcours psychologique, humain, mais le roman donne pas mal de clés de compréhension du quotidien des entrepreneurs. J’ai volontairement fait un peu de pédagogie car je souhaitais que ce livre soit accessible au plus grand nombre, pas seulement à ceux qui s’y connaissent déjà.
Beaucoup de passages, de remarques sur la misogynie de l’écosystème start-up. C’est si dur d’être UNE entrepreneurE ?
C’est dur pour tout le monde. Bien qu’ “Ecosystème” soit un roman – ce qui laisse donc une large marge de ré-interprétation de la réalité – je voulais qu’il soit réaliste. Malheureusement, si on parle d’entrepreneuriat aujourd’hui on ne peut pas omettre le machisme ambiant, surtout quand son personnage principal est une femme entrepreneure ! Tout un chapitre y est d’ailleurs consacré – il s’attache à donner plusieurs visions de la place de la femme dans ce secteur, et comment elles réagissent à la misogynie.
Certaines femmes se réclament d’une vision assez combattante qui remet en cause la dénonciation du machisme : il suffit de bosser dur et d’ignorer ceux qui continuent de se prendre pour des êtres supérieurs, ce sera la meilleure preuve qu’on est égaux. D’autres considèrent qu’il faut au contraire continuer de mettre le doigt sur les inégalités de traitement, de perception, pour faire changer les mentalités. Tu en penses quoi, toi ?
Combien de temps t’a pris l’écriture d’Ecosystème ? Entre l’idée, l’écriture et la publication du livre ?
Contrairement à mon premier roman, j’ai eu moins de recherches à effectuer car je travaille dans le milieu depuis quelques années. J’ai quand même passé trois mois à San Francisco pour me documenter, puis six mois à écrire, et le temps de l’édition a pris un peu moins d’un an. Le temps de l’intrigue se situe environ en 2013 – ce qui semble déjà l’âge de pierre au rythme des start-up, mais rassure-toi, j’ai veillé à ce qu’il ne vieillisse pas trop vite !
Pourquoi le choix de ce milieu précis ? Pourquoi les start-ups et pas le cinéma, l’édition, les entreprises du CAC40 ?
Mon principal objectif était de parler d’ambition, notamment comment notre génération s’approprie cette valeur très ambivalente : à la fois mal perçue, associée à la soif de pouvoir, et désirée, synonyme de succès. J’ai la sensation qu’on est dans une phase de transition où grâce à la technologie, l’accès à l’information, on peut faire fortune du jour au lendemain – ce n’est plus l’apanage des héritiers, des banquiers ou des carrières fulgurantes en grands groupes. Les ingénieurs sont les nouveaux visionnaires : exit le rêve de devenir Chef de Projet ou consultant, on est à la quête d’un quotidien qui fait plus de sens.
Le milieu des start-up était l’écrin parfait pour évoquer ces sujets; ça tombait bien : je le connaissais pas trop mal !
Malgré ce choix, certains lecteurs/rices profs, médecins ou intermittents m’ont dit se reconnaître dans les personnages : c’est à ça que sert un roman.
Ta citation préférée dans le livre (et pourquoi celle-là ?)
Chaque chapitre est introduit par une citation d’un personnage célèbre dans le secteur de l’entrepreneuriat (bon, à l’exception du dernier chapitre… C’est une citation de Kim Kardashian. Il en faut pour tous les goûts.)
La plus frappante est peut-être celle du premier chapitre : “Being an entrepreneur is sexy… for those who haven’t done it.” C’est quasiment une accroche pour tout le roman.
Au cinéma, qui jouera Marianne ? Qui incarnera Lucas ? Et qui incarnera Sélim le stagiaire ?
Marianne : une jeune femme déterminée dont on perçoit le grain de folie dans le regard. Je vois bien une nana très drôle comme Alison Wheeler (ou une Camille Cottin un peu plus jeune).
Lucas : j’ai envie de piquer dans le casting de la série d’HBO “Silicon Valley” ou “Mister Robot” ! De superbes geeks tout ce qu’il y a de plus cliché.
Sélim : George Clooney ? Brad Pitt ? Ah mince ils n’ont plus l’âge d’être stagiaires…
3 ouvrages qui t’ont accompagnée lors de l’écriture du roman Ecosystème ?
Les Chroniques de San Fransisco, d’Armistead Maupin, que j’avais lu des dizaines de fois déjà.
Comment j’ai liquidé le siècle, de Flore Vasseur, qui parle d’un sujet difficile à traiter du point de vue littéraire (ce que je considère aussi être le cas pour les start-up) : la crise financière.
L’information, de Martin Amis, une histoire de jalousies et de réussite.
Et aussi The Circle de Dave Edgers, magistral roman d’anticipation qui suit le parcours d’une jeune femme qui gravit les échelons d’une boîte qui ressemble de très près à Google futuriste.
Sinon je dois avouer que je n’ai jamais ouvert le moindre essai sur comment monter une start-up ni un seul récit d’entrepreneur… Mais j’ai regardé toutes les saisons de “Silicon Valley” !
On peut donner le vrai prénom du gourou italien ? J’ai bien une idée, il ressemble à un personnage qu’on voit souvent dans Maddyness, Frenchweb et les autres blogs tech français 😊
Son prénom, c’est Alessandro ! Il incarne la figure du gourou qui est tout sauf manichéenne, il est à la fois bon père de famille et père fouettard, bienveillant et terrorisant.
On en a tous connu un… Toi tu en as un dans le milieu des bloggeurs ?
Est-ce que ce second roman a été plus compliqué à écrire ? Comment as-tu ressenti le changement entre ton premier roman, « Hôtel International » et celui-ci ?
Les sujets étaient très différents : le premier est écrit à la première personne, parle de suicide, de deuil, d’expatriation et se passe au Cambodge alors que le deuxième utilise une narration externe, parle d’entrepreneuriat et se passe à San Francisco.
Je n’avais que 24 ans quand j’ai écrit le premier, depuis j’ai tiré beaucoup de leçons sur l’écriture, notamment que je travaille beaucoup mieux quand je suis entourée, que j’ai besoin de partager ce que j’écris à intervalles très réguliers, d’écouter la critique.
Dans les deux cas ce sont des comédies qui décryptent un petit milieu, mais j’avais beaucoup plus confiance en moi pour le second, j’ai osé plus de choses. Quand on fait dans le pince-sans-rire il faut le faire avec finesse mais ne pas se retenir : j’espère aller encore plus loin pour le troisième !
Peux-tu nous décrire la démarche créative derrière le choix de cette belle couverture ?
Merci pour l’artiste ! Elle a été réalisée spécialement pour Ecosystème, par le même artiste qui avait fait la couverture d’Hôtel International : Florent Remize. Il m’a suffit de donner le livre et d’attendre que la magie opère. Je la trouve magnifique !
Question bonus : quelle est la question que tu aurais aimé que je te pose ?
Non, mais moi j’ai une question : quand est-ce qu’on lit ton bouquin ?
Oh oh oh tout doux, septembre 2017 pour Leçons de Séduction. Laissons passer l’été…
Vous pouvez découvrir le live de Rachel Vanier sur Amazon mais aussi la suivre sur Twitter et sur son blog.
Pourquoi tu réponds pas aux questions de la dame ? Elles sont aussi bonnes que ses réponses, je trouve…
Parce que je suis timide !
Elle pose en effet de très bonnes questions. Et c’est souvent à ça qu’on mesure l’intelligence d’une personne. Pas à ses réponses, mais à la qualité de ses questions 🙂 Tu en penses quoi, AL ? 🙂
J’en pense qu’en l’état, ça donne l’impression d’une interview faite par mail, donc sans contact, sans chaleur et déshumanisée. Je trouve ça dommage. Alors qu’une vraie conversation, ça a beaucoup plus de cachet, d’autant qu’ici, contrairement à un magazine papier, tu n’es pas limité par la place. Tu n’as donc pas besoin de te limiter. Si c’est vraiment une interview par mail, petite astuce de pro, la prochaine fois, continue l’échange avec ton interlocuteur/trice en rebondissant sur les réponses initiales qui te semblent pertinentes. Pour ta synthèse finale, ça permet d’aller beaucoup plus loin qualitativement parlant. (bon, ça marche surtout avec les gens qui ont le temps, pas ceux qui courent partout tout le temps)
C’est vrai que c’est beaucoup plus drôle quand on est face à face,
mais les deux auteurs ayant eu un emploi du temps chargé, nous tentâmes l’interview par mail.
Merci pour le conseil AL !