10 titres gagnés avec Aberdeen, 38 gagnés avec Manchester United, 2155 matchs dirigés pour 1253 victoires, de nombreux distinctions personnelles… Sir Alex Ferguson, surnommé Fergie, est un entraîneur-manager parmi les plus titrés et les plus respectés du football.
Tour à tour Alpha mâle au cercle social immense et prestigieux, meneur d’hommes qui ne baisse pas les bras devant les difficultés, bâtisseur de sa propre vie, protecteur de sa famille… Dans son autobiographie, Alex Ferguson, revient sur sa brillante carrière, et n’élude aucun aspect de sa personnalité, de ses victoires, de ses défaites, de ses méthodes de travail et de gestion des hommes.
Un fidèle lecteur d’Artdeseduire.com, également auteur d’un article sur Jonny Wilkinson, passe en revue les différents aspects de la méthode d’Alex Ferguson.
1. Le Travail
Chaque matin, Alex Ferguson arrivait à Carrington, le centre d’entraînement de Manchester United à 7h, et en repartait à 19h, journée entrecoupée d’une pause d’une heure pour le déjeuner. Et ce, cinq jour sur sept.
À ses débuts en tant qu’entraîneur, la vidéo n’était pas aussi développée qu’aujourd’hui ; Ferguson s’est déplacé dans les stades à de multiples reprises pour observer ses adversaires, prendre des notes. Idem avec les jeunes talents, qu’il allait détecter dans les matchs du dimanche.
En dépit des progrès de la technologie, et d’une importante équipe d’observateurs qui ont œuvrés pour Manchester, et dont il a toujours tenu compte des rapports, Ferguson a toujours été voir par lui-même.
Ce qui lui a permis d’avoir un œil très aiguisé : «joueur, je n’avais pas le talent d’un Cantona ou d’un Scholes, mais j’étais capable de déceler ce talent chez les autres car j’avais passé des heures à la vidéo, et dans les stades, à les observer. Utiliser ses yeux, tout est là ».
Alex Ferguson : «pour réussir dans ce monde, il n’y a pas de secret : il faut travailler».
2. Quitter Sa Zone De Confort.
La devise du clan Ferguson est : «meilleur dans les difficultés». Alex Ferguson a augmenté le nombre de trophées remportés avec Aberdeen, dans l’un des championnats les plus relevés du monde.
Quitter son Écosse natale n’a pas été un choix facile pour Ferguson, mais il a ressenti encore plus fortement l’envie de réussir que beaucoup de ses compatriotes, exilés avant lui, ont évoqué.
Les relations avec le public, et la presse, n’ont pas été idylliques. Ferguson rapporte certains mots durs à son encontre, parfois plus motivés par sa nationalité, les résultats de Manchester n’étant qu’un prétexte. Les deux trophées européens, ainsi que les titres nationaux, gagnés avec Aberdeen, n’avaient aucune valeur à leurs yeux. En 1989, le public d’Old Trafford a réclamé sa démission ; vingt-quatre ans plus tard, une tribune porte son nom.
De nombreux joueurs ont tenté de voler de leurs propres ailes au sein de l’équipe, n’en faisant qu’à leurs têtes, pensant qu’ils finiraient par en imposer à leur manager. D’autres ont fait des écarts extra-sportifs qui ont mis le club dans la difficulté. Ferguson a tenu bon, et en est ressorti grandi aux yeux du public, augmentant sa crédibilité, et son assise, auprès de ses joueurs, ainsi que de sa direction.
« J’ai toujours préféré réfléchir à la façon dont je pouvais améliorer les choses, plutôt que de baisser les bras ».
La liste des Écossais ayant quitté la brumeuse Écosse est prestigieuse :
- les acteurs Sean Connery et Ewan McGregor.
- Tony Blair a été durant dix ans le locataire du 10 Downing Street, à Londres.
- David Livingston, écrivain et explorateur.
- Arthur Conan Doyle, médecin sur des bateaux de pêches, puis en Angleterre, et écrivain.
- les guitaristes Angus et Malcom Young, fondateurs d’AC/DC, exilés en Australie…
Alex Ferguson : «un Écossais ne quitte pas son pays pour fuir le passé, mais pour devenir meilleur». Et exporter son single malt, mais c’est une autre histoire…
3. La détermination.
L’état d’esprit de combattant n’a jamais quitté le manager Ferguson, convaincu que d’une façon ou d’une autre, il pourrait renverser une situation défavorable : «j’ai toujours cru au succès, même dans les pires moments».
Durant ses trente-neuf années en tant qu’entraîneur, Ferguson a toujours inculqué cet état d’esprit à ses joueurs, et a recherché ceux qui le possédaient. De tous les joueurs qu’il a entraîné, David Beckham est celui qui a le plus impressionné Alex Ferguson, y compris après son départ de Manchester United, et ses différentes expériences en Europe, aux Etats-Unis, hors du football : «peu importe le but qu’il se fixe dans la vie ; il ne renonce jamais».
De nombreuses victoires de Manchester ont été acquises dans les dernières minutes, car les Diables Rouges ne baissaient pas les bras. Ou bien, gare à eux ; Ferguson n’a jamais eu la moindre hésitation à évincer un joueur, si talentueux soit-il, qui ne se battait pas jusqu’au bout.
Après une sévère défaite, Ferguson déclare à ses joueurs – qui avaient pris leurs adversaires à la légère – qu’ils avaient déshonorés le maillot de Manchester.
Le meilleur exemple de cette ténacité est la finale de la Ligue des Champions remportée en 1999, face au Bayern Munich. Menés 1-0 dès la 6ème minute, les Mancuniens inscrivent deux buts à la 89ème et la 91ème minute. Sweet memories, on se le remet pour la forme.
Alex Ferguson : « se relever et se battre font partie de notre existence ».
4. L’autorité.
Pour tenir vingt-six ans au poste de manager de Manchester United, pour gérer des stars telles que Cantona, Beckham, Van Nistelrooy, Cristiano Ronaldo, Roy Keane- la liste est très longue-, pour gérer les relations avec la direction du club, et parvenir à imposer ses conditions, il faut une solide autorité.
«Être le manager de Manchester implique que le manager est plus important que les joueurs».
Ferguson a noué des liens d’amitié avec son compatriote Tony Blair. Il rapporte qu’un jour, il a donné ce seul conseil à Blair : « pour conserver son autorité, le plus important est de garder le contrôle ».
Un chapitre développé en trois points.
L’autorité par la compétence
Le nombre de trophées remportés est un élément important, car il détermine le degré de compétence de la personne.
Nanti de dix trophées, dont deux européens, acquis avec Aberdeen, Ferguson avait des arguments à faire valoir à son arrivée à Manchester United, en 1986, lorsqu’il a demandé à sa direction de lui laisser un peu de temps, afin que ses méthodes portent leurs fruits.
Les deux premiers trophées nationaux ont été conquis en 1990, validant sa méthode. En 1991, il gagne la Coupe des vainqueurs de coupes. Le triplé de 1999- Championnat d’Angleterre, Coupe d’Angleterre, Ligue des Champions- a un peu plus élargi son influence.
Et pour conserver ce niveau élevé de performances, Alex Ferguson travaillait minutieusement ses schémas tactiques, ses analyses, comme il le dit lui-même : «il faut être précis dans ce que l’on dit aux joueurs, se baser sur des faits concrets, pas sur des suppositions. Car si l’analyse est fausse, les joueurs perdent confiance en leur manager».
L’autorité par la sanction
Lorsque Roy Keane, capitaine de Manchester après la retraite de Cantona, a commencé à se prendre pour le manager, Alex Ferguson l’a recadré. Ce dernier savait que Keane avait l’envie et les dispositions d’être entraîneur-manager : motiver les joueurs, les fédérer autour d’un projet, une autorité naturelle, le sens du football…
Mais il n’était pas celui de Manchester, et sa tentative de prise de pouvoir a été sanctionnée par un renvoi de l’équipe.
Ferguson expose l’importance de la sanction de façon très claire : «les joueurs aiment que leur manager soit un homme solide. Les questions qu’ils se posent sont :
- cet homme peut-il faire de nous des vainqueurs ?
- peut-il faire de nous de meilleurs footballeurs ?
- est-il loyal envers nous ?
Si la réponse à ces trois questions est oui, alors ils toléreront des meurtres ». Au sens figuré, bien entendu.
Bon nombres de joueurs, parmi les plus prestigieux, ont été exclus de Manchester United pour avoir refusé l’autorité du manager. Roy Keane, David Beckham et Ruud Van Nistelroy, pour ne citer que ceux-là, ont été transférés dans d’autres clubs, à la demande de Ferguson, car ils ne le reconnaissaient plus comme le chef.
Ferguson rapporte des exemples de tentatives de prise de pouvoir des joueurs dans les différentes équipes qu’il a entraînées : Saint-Mirren, Aberdeen, l’équipe nationale d’Écosse, Manchester United. La liste est longue, et très variée, mais il y a un point commun : l’affirmation de l’autorité.
L’autorité par les émotions
Ferguson a parfois piqué des colères exagérées par rapport à l’élément déclencheur ; lui-même le reconnaît. Mais ces accès de colères dues à son «tempérament bouillant» avaient un effet positif ; les joueurs qui les subissaient se faisaient discrets pour ne pas avoir à les subir à nouveau.
Son autorité s’en trouvait renforcée. «Les joueurs et le staff comprenaient qu’on ne pouvait pas me faire tourner en bourrique ». Personne ne le faisait dévier de la ligne qu’il avait fixée pour l’équipe.
Ferguson ne s’en cache pas : «j’ai souvent utilisé la technique du feu et de la glace ». Lorsqu’un joueur n’était pas bon, il lui disait : «pour un joueur de ton calibre, tu as fait un mauvais match». Ou encore : «Pourquoi as-tu fait ça? Tu vaux beaucoup mieux ».
Lorsqu’un joueur se faisait exclure, Ferguson ne le regardait pas : «je savais qu’il attendait de moi un geste ou un mot de réconfort, mais je le laissais souffrir sur le banc». Et pas un autre joueur, sur le banc ou dans le vestiaire une fois le match terminé, n’osait lui parler tant que le manager ne l’avait pas fait.
Alex Ferguson : « si quelqu’un menace votre autorité, vous devez vous débarrasser de lui ».
5. La concentration
La concentration est un élément primordial dans ce que l’on fait. Nombreuses sont les personnes qui considéraient Alex Ferguson comme un homme austère, enfermé dans sa tour d’ivoire. Peu ont compris qu’en réalité, il était concentré sur son travail de manager. Ferguson rapporte une anecdote révélatrice.
Assistant à une course de chevaux dont il est amateur, il se fait accoster par une dame qui lui dit être surprise de le voir souriant et détendu, alors que pendant les matchs, il est sérieux.
La réponse est sans appel : «vous ne voulez pas que je sois sérieux dans mon travail ? Je dois être concentré pour ne pas faire d’erreur, ou en faire le moins possible».
Ferguson fait part de sa déception à propos de Fabien Barthez qui aurait pu être un très grand gardien, mais qui retournait fréquemment en France. Sa concentration en était affectée, ce qui l’a empêché d’être l’équivalent d’un Peter Schmeichel.
Pour améliorer la concentration des joueurs, Ferguson propose qu’ils jouent aux échecs, un jeu qu’il pratique lui-même, et qu’il considère très propice à la réflexion et à la concentration.
Alex Ferguson : « Il faut être concentré pour prendre une décision, car si elle est pris dans l’urgence, une erreur est commise ».
6. Garder ses nerfs.
La maitrise de soi est importante, surtout dans le sport de très haut niveau, avec une importante médiatisation. Alex Ferguson relate les cas de joueurs qui ont laissé la colère prendre le pas sur la raison, précipitant leur départ de Manchester. Roy Keane étant l’exemple le plus explicite.
Mais il rappelle comment lui aussi a perdu ses nerfs, lors d’une rencontre face à Arsenal, où Ryan Giggs se précipite, ne cadre pas son tir, et envoie la balle au-dessus de la cage. Dans le vestiaire, Ferguson laisse éclater sa colère contre son joueur, et de rage, frappe dans une chaussure qui se trouvait là, et qui atteint David Beckham au visage. La relation entre ce dernier et son manager va fortement se dégrader par la suite ; ce qui aura quelques conséquences sur le rendement de l’équipe.
Alex Ferguson : «en période de crise, il vaut mieux calmer les gens ».
7. Comment progresser.
Avoir de nombreux centres d’intérêts en dehors du football est l’une des clés de la longévité, et du succès, d’Alex Ferguson : «mes loisirs et centres d’intérêts ont gardé mon esprit en éveil. Ils m’ont permis d’utiliser les muscles de mon cerveau de façon plus variée, tout en continuant à travailler durement».
Apprendre de ses erreurs est un principe que Ferguson a toujours enseigné à ses joueurs, adjoints, membres du staff, et dirigeants de Manchester United. Pour parvenir à faire un ensemble cohérent, tout le monde doit tirer dans la même direction. Sur le terrain comme en coulisses.
Ferguson égrène les exemples de dirigeants qui ont surenchéri sur le salaire de tel ou tel joueur, pensant que cela influerait sur son efficacité sur le terrain. Peine perdue. De même qu’il rappelle les écarts de comportements de joueurs qui se croyaient au-dessus du règlement intérieur du club, ou d’autres qui pensaient que leurs performances du week-end précédent les dispensaient d’entraînement.
Certains ont raté le coche avec Manchester United, et l’ont compris trop tard ; ou ne l’ont jamais compris.
Alex Ferguson : «les gens se laissent guider par l’émotion, et ne retiennent pas les leçons».
Bonus. L’humour.
Avoir un minimum d’humour, et de répartie, a permis à Alex Ferguson d’affronter la rude vie de manager d’un club de l’ampleur de Manchester United.
À ceux qui lui reprochaient d’avoir le visage dur et fermé pendant le match, Ferguson répondait : «je suis ici pour gagner le match, pas pour sourire».
Mel Machin, son homologue de Manchester City à la fin des années 80, a eu moins de chance puisqu’il a été licencié, quelques jours après la victoire 5-1 des Citizens contre les Mancuniens, au motif qu’il ne souriait pas souvent. Ce que Ferguson rapporte en ces termes: «si la même logique avait été appliquée à Manchester United, je ne serais pas resté aussi longtemps».
Conclusion
Pas besoin d’être un fan de football pour apprécier l’autobiographie de Sir Alex Ferguson. Il nous livre de précieux conseils sur la gestion des émotions, les relations humaines, la performance sportive, et nous fait apprécier l’homme qu’il est, au-delà du manager.
Un homme passionné, travailleur, humble, perpétuellement en quête de nouveauté et d’innovation afin de rester le numéro un, se remettant en cause afin de garder la confiance et l’autorité de ses joueurs, adjoints, et dirigeants.
En outre, Alex Ferguson dévoile une facette méconnue de sa personnalité : le père de famille, et le mari attentionné. Il dédie son autobiographie à sa belle-sœur, décédée en octobre 2012 : «À Bridget, sœur, roc et meilleure amie de Cathy». C’est afin d’aider son épouse Cathy, qui avait du mal à faire le deuil de sa sœur, qu’il a décidé de prendre sa retraite. Pour être plus souvent auprès d’elle. Il évoque aussi quel père il a été pour ses fils.
Un livre dans lequel on peut trouver des idées intéressantes, des conseils que le manager écossais a donné à ses joueurs, sur de nombreux sujets, et dont il est possible de s’inspirer. Et des anecdotes sur les grands noms qu’Alex Ferguson a croisés.
Un fidèle lecteur de Sélim et d’ADS
Allô un bel article, sauf que t’as fait une erreur: sa crédibilité et non son crédibilité.
Merci Kith !
Je corrige ça de ce pas !