Vous voulez le titre à rallonge du livre de Laurent Moreau, écrivain ? « Moi, Benjamin V, 33 ans, l’âge du Christ, et toujours pas de miracles en vue » ?
J’ai eu la chance de déjeuner en tête à tête avec l’écrivain à Bordeaux, un jour de soleil d’octobre 2015. L’interviewer pendant notre italien ? Impossible : nous fûmes perturbés par l’arrivée de deux jeunes femmes qui parlaient beaucoup trop fort pour qu’on ne se mêle pas de leur conversation…
Sélim Niederhoffer : « Bonjour Laurent Moreau ! Comment devient-on écrivain ? »
Laurent Moreau : “Bonjour Sélim, ça démarre sur la question la plus complexe, c’est encore le matin pour moi. Pour ma part je crois que je me sens écrivain que depuis que mon livre est enfin dans une maison d’édition, avant je préférais dire : « j’écris des livre ». Pour revenir à ta question, je pense qu’on devient écrivain par envie, par thérapie, par besoin, pour combler quelque chose, mais avant tout on devient écrivain par passion et par travail.
J’ai ajouté tous les mots qui font bien et j’en ai fait une salade composée a priori… Néanmoins je pense vraiment toutes ces choses, en fait on ne devient pas écrivain, on le fait juste grandir et évoluer en nous (cette phrase porte à confusion).”
A quel moment dans ta vie tu t’es dit que tu voulais devenir écrivain ?
Laurent Moreau : Au lycée j’étais le rigolo, pas le rigolo bizut moche de n’importe quel teen movie, non le rigolo simplement, il fallait une case, une caste, celle-ci m’allait bien, elle me va encore. Et en écrivant, je suis devenu le rigolo brillant, j’avais évolué. J’écrivais avant tout pour moi, le plus dur ce n’est pas d’écrire, le plus dur c’est de montrer ses écrits. Alors quand ça fait mouche, votre égo gonfle, votre envie d’écrire aussi, et vous avez envie de continuer d’être écrivain.
Tout ça pour dire que je ne sais pas à quel moment j’ai voulu devenir écrivain, mais je peux répondre en tous cas que jamais je ne voudrais arrêter d’en être un.
C’est une bonne situation, ça, scribe ?
Laurent Moreau : Ecrivain de roman passionné et passionnant, non. En tous cas de mon côté je n’ai ni la notoriété ni les ventes qui permettent de claquer du biff. Ce n’est pas mon métier à plein temps, tu le sais bien, j’écris aussi pour les sociétés, des textes qui font plaisirs aux gens et à google, ça ça gagne mieux, aujourd’hui en tous cas. Je ne suis pas à l’abri d’un livre distribué à des millions d’exemplaires !
Et avec les filles ? Doc Gynéco disait “Depuis que j’ai la tête collée sur une pochette, certaines font semblant de ne pas me reconnaître…” Depuis que tu es à la Fnac, ça marche mieux sur TINDER ?
Laurent Moreau : Avec les filles, je sais pas si c’est les écrits qui marche, ça interpelle ça intéresse, ça permet de faire un premier pas un peu différent. Avec les filles ça marche, avec La fille ç’est toujours plus compliqué… Pour Tinder, les gens ne lisent pas les descriptions… alors un livre en entier sans image !
Pendant notre déjeuner, on s’est mutuellement avoué que notre job, c’était de voler les histoires des gens. Tu confirmes, tu récidives ? D’où te vient ton inspiration ?
Laurent Moreau : Je confirme, j’appuie, je valide… Notre job c’est de prendre des histoires banales, de les remodeler avec le ton, la forme, le fond, l’humour, la joie et d’exacerber les sentiments pour que le publique s’accroche à celles-ci.
Deux personnes peuvent te raconter la même histoire, la première te fera décrocher en 10 secondes à cause d’un ton monocorde, des adjectifs chiant à mourir et des longueurs dans tous les sens. La seconde te feras vivre une aventure unique avec des rebondissements, des moments de doutes et des sentiments. Pourtant à la base les deux histoires parlent simplement d’un mec qui a invité une jolie rousse à prendre une part de pizza froide devant un film des 90’s.
Ton modus operandi ? Comment tu travailles ? Tu te fixes des objectifs ? On imagine la figure de l’écrivain comme celle d’un mec un peu perché qui serait soudain touché par la grâce et l’inspiration, mais toi, comment tu te mets au travail ?
Laurent Moreau : Alors je m’oblige à écrire tous les jours, et j’efface beaucoup de choses, il n’y a pas d’heure par contre, car j’ai un autre métier à côté. Il y a deux méthodes qui ressortent cependant.
La première est en rapport avec la question précédente. Je sors beaucoup, je déjeune souvent dehors, je bois des verres, je parle trop, je parle vite, je bois ce qui passe sous mon menton et je m’intéresse aux gens. Ma mémoire et mon iPhone (j’écris beaucoup dans Notes) me permettent d’avoir des bribes d’histoires, de condenser celles-ci. Je mets les histoires mais aussi les phrases qui font mouche ou auxquelles je pense d’un coup d’un seul.
La seconde méthode, c’est de me poser devant mon ordinateur, soit à un café, soit avec la télé en fond (j’ai besoin de vie autour), et de me mettre à écrire. Je regarde énormément chaque chapitre précédent et chaque ancien livre que j’ai écrit, pour ne pas me perdre.
Par contre je n’ai pas d’objectif, avant j’avais à chaque fois un objectif à long terme : je dois l’avoir terminé avant telle date… mais ça ne marche jamais.
Ah oui un point très important, j’ai un noyau dur de personnes, vraiment 3-4 personnes à qui je passe chaque nouveau chapitre par mail, pour avoir leur avis. Des gens qui comptent énormément, qui font partie de ma vie et souvent qui se retrouvent dans les romans. Mais ils disent toujours c’est super… ça me rassure, mais j’aimerais bien des avis de connards un jour.
Enfin tu parles de la grâce et de l’inspiration. Comme pour la question précédente, on s’inspire de la vie réelle et imaginaire, de nos expériences et de nos connaissances. Je n’aurais pas pu écrire mes livres sans avoir eu de belles histoires, des fins difficiles, des moments étonnants. Mais je n’aurais pas pu écrire comme ça sans avoir lu des romans ou même des Picsou sur la plage l’été, sans AB Productions, sans tous les films de pop-culture qui m’ont fait grandir. L’univers a été créé par le monde qui m’entoure, ce n’est pas de la grâce c’est transformer ce qui me passionne pour en faire une aventure à ma sauce.
Comment on se sent quand on signe son premier bouquin ?
Laurent Moreau : Fier et sur un nuage. Quand après avoir envoyé un livre dans une maison d’édition, que vous avez une réponse 8 mois après et que c’est oui… c’est magique. Les maisons d’édition reçoivent chaque année des milliers de manuscrits et seulement quelques dizaines passent toutes les étapes pour arriver en librairie. Je suis fier.
Je tiens à dire que l’on m’a poussé au cul pour que j’envoie mon dernier roman à une grande maison d’édition, sans cette personne je ne serais pas distribué dans tout l’Hexagone.
Tes modèles, des écrivains que tu admires ?
Laurent Moreau : C’est super dur comme question, évidemment je vais citer Frédéric Beigbeder, Tom Wolfe et Bret Easton Ellis. Ça fait bien et puis c’est vraiment des auteurs incroyables. A côté de ça j’adore J.K Rowling, je pourrais me refaire les Harry Potter mille fois.
Mes romans ont beaucoup d’ironie et d’humour, si je n’avais pas peur je ferais un one man show, mais je tremble devant un public de plus de 10 personnes… alors j’ai envie de citer Gaspard Proust, Nicolas Bedos et Jérôme Commandeur, 3 génies pour moi qui sont aussi des écrivains, car il faut écrire ce spectacle.
Il y en a plein d’autres… mais c’est chiant de faire une liste.
Tu échoues sur une île déserte, seul, avec un sac de 5 livres. Quels sont ces livres ?
Laurent Moreau :
- L’intégrale de HP dans un livre de 4000 pages (je triche)
- L’égoïste romantique de Beigbeder
- Moi Charlotte Simmons de Tom Wolfe
- Comment survivre sur une île déserte (ce livre doit bien exister)
- Le best-of Playboy de ses 30 dernières années (je suis seul sur une île déserte merde)
Racontes-nous un peu comment tu as écrit « Moi, Benjamin V. » Beaucoup de vécu dans cette histoire ?
Laurent Moreau : Beaucoup de vécu pour poser la base, le personnage. Mais après c’est une fiction. J’écris mes histoires pour ressentir des choses. Si je m’ennuie dedans alors ça ne va pas le faire, et là je ne me suis jamais ennuyé.
J’ai écrit Moi Benjamin V. en partant du constat qu’un trentenaire ne doit pas forcément rentrer dans une case. Qu’on peut tomber amoureux sans devenir « planplan », qu’on peut vivre sans uniquement survivre, qu’on peut grandir en gardant son âme d’enfant. Chacun de mes livres passés et futurs feront ressentir ces choses-là.
Je vais reprendre une phrase de Peter « Banning »Pan, dans Hook (joué par Robin williams) : “vivre est une bien plus grande aventure”.
Pourquoi les lecteurs devraient-ils se précipiter sur « Moi, Benjamin V » plus que sur le dernier Beigbeder ou le nouveau Joël Dicker ?
Laurent Moreau : Vous devriez vous jeter sur les trois mais vous commencez par le mien. J’ai plus besoin d’argent qu’eux je ne suis pas encore connu !
Le mot de la fin pour les apprentis écrivains ? Un conseil à leur donner ?
Laurent Moreau : Ne pas écrire pas pour devenir célèbre ou riche. Vous devez écrire par passion, par envie, par plaisir. Ah oui et aussi pour chopper des filles, et pour que LA fille vous regarde.
Moi, Benjamin V, 33 ans… est disponible dans toutes les bonnes librairies de France et d’internet ici !
Bonne lecture !
Sélim